L'Atlantide - Utopia - Jérusalem céleste - L'arche de Noé - L'abbaye de Fontenay

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Philosophes, utopistes, inventeurs sociaux ou artistes ont imaginé des cités pour sociétés harmonieuses où règnerait un bonheur intégral et perpétuel ! Œuvre de littérature avant tout, l’utopie permet souvent une critique radicale de la société qu’elle souhaite transformer.
Thomas More est le premier à forger le mot « utopie », du grec ou-topos, « nulle part », et eu-topos, « lieu de bonheur ».

« Il y a dans la république utopienne bien des choses que je souhaiterais voir dans nos cités. Je le souhaite plutôt que je l’espère ». Ainsi se termine le livre de Thomas More. L’espoir est une conviction, le souhait n’est qu’un vœu pieux.

La première partie du livre, Thomas More remet en cause la société anglaise, et à chacun des maux, il oppose son idéal de justice sociale et l’ordre moral dans son île d’Utopie.

Dans la deuxième partie de son livre, son idéal est donné sous la forme d’un récit du marin portugais Raphaël Hythlodée, compagnon imaginaire du navigateur florentin Amerigo Vespucci (1451-1512) , dont l’auteur avait lu les Voyages.
Le récit de More transporte le lecteur dans l’île d’Utopia, qui rappelle à bien des égards l’Atlantide de Platon. Une même topographie protège les deux îles, toutes deux en forme de croissant et bordées de montagne.
L’île d’Utopie est totalement planifiée : chacune des villes au nombre de 54, toutes distantes tout au plus d’une journée de voyage, est bâtie sur le même plan et compte les mêmes édifices.
L’exemple de ville décrit par Thomas More est celui d’une cité fluviale, défendue par des hauts murs, de larges douves. Les maisons « ne sont pas du tout misérables et on en voit sur de longues enfilades qui s’étendent sur des quartiers entiers, les façades en vis-à-vis séparées par des rues larges de vingt pieds». Sur l’arrière, de grands jardins jumelés, clos par d’autres alignements de maisons.

A l’urbanisme de Platon, More ajoute une rationalisation des campagnes, dont les champs et les villages sont répartis en fonction du travail agricole et des besoins des habitants.

Les habitants sont rassemblés en familles agricoles, cellule de base du système politique.
Chaque ville compte 6000 familles, qui par groupe de 30 élisent annuellement un magistrat appelé « philarque ». Les deux cents phylarques d’une cité élisent à scrutin secret un prince à vie. Celui-ci délibère des affaires publiques avec représentants des phylarques. Pour entraver touts tendance tyrannique, il est interdit sous peine de mort, de discuter des intérêts publics en dehors des assemblées de délibération.

Mais cette cité utopique a aussi les caractères d’une ville bien réelle.
L’activité principale est l’agriculture. D’autres métiers d’artisanat existent pour répondre aux besoins les plus essentiels, comme la confection de vêtements. Chacun travaille 6 heures par jour. Le reste du temps est consacré à l’étude. Seuls les lettrés sont dispensés de travail manuel. Les esclaves sont soit des citoyens punis, soit des étrangers condamnés à mort et rachetés par les utopiens. L’esclavage est à vie mais pas héréditaire. Il y a pas de classe d’esclaves comme chez Platon.

L’équilibre démographique est garanti : une famille agricole ne peut compter plus de 30 membres, tout excédent passe dans une famille déficitaire ; toute surpopulation d’une ville est de même transvasée dans une autre. Quant à celle de l’île, elle entraîne et justifie la colonisation d’autres territoires. La société est patriarcale. Le mariage est célébré à 22 ans pour les filles et 26 pour les garçons. Les mariages et divorces sont contrôlés. L’adultère est puni d’esclavage et sa récidive de mort. A la naissance, les enfants sont séparés de la famille pour être élevés par des nourrices, considérées comme leurs mères.
Les chefs de famille se servent dans des magasins où ils trouvent le nécessaire pour leurs familles. Mais tout commerce est proscrit puisque la propriété privée est abolie; seul le négoce avec l’extérieur est admis pour la prospérité de l’île.

Les repas, précédés d’une lecture morale, sont pris en commun à heures fixes et en musique. Les hommes d’un côté et les femmes d’un autre, servis par des adolescents.
Par mesure d’hygiène, les marchés sont placés à l’extérieur de la ville et les bêtes, si elles sont abattues par les utopiens, sont nettoyés par les esclaves. Les hôpitaux sont situés, pour les mêmes raisons, à l’écart des habitations. Dans le cas de maladies incurables, des prêtres et des magistrats viennent persuader le patient d’accepter l’euthanasie, afin de n’être plus une charge pour la société.

La justice qui se veut morale et impartiale exclut toute défense. Les lois, égales pour tous, sont en nombre réduit. La guerre n’est tolérée que s’il défend la paix ; les utopiens préfèrent la diplomatie, la ruse à la guerre. Le roi de l’île dénommé Utopus, en établissant la liberté de conscience, inaugure la tolérance religieuse. La raison en est d’abord politique car le respect des religions garantit la paix sociale. Mais l’impiété et le polythéisme sont bannis d’Utopie.

Le souci de More est de créer un Etat libéral qui permette de satisfaire les besoins et de faire respecter les droits de chacun. Utopia va influencer considérablement les autres villes imaginaires : propriété collective, égalité sociale, souci d’hygiène, autarcie économique, démocratie politique; organisation de la vie quotidienne, du travail et des loisirs.